Tankred Padden est un Yseran tout ce qu’il y a de plus pur et dur. Hysmer Boréen, il est né, a grandit et toujours vécu sur cette planète. Ce serait peut-être exagéré de dire qu’il la connaît par cœur mais on en est pas loin. Enfin, sa vie a surtout débuté dans les quartiers miséreux du Secteur Résidentiel 8, du temps où les tours du Secteur Pénitencier n’existaient pas encore. Fils d’un alcoolique notoire travaillant dans les docks du spatioport, la génitrice s’était fait la malle depuis un bail. Gamin des rues dont l’avenir n’apparaissait pas franchement brillant, il se fait remarquer par cette volonté hors-norme de quitter ce bouge infâme qui lui servait d’horizon. Il le disait à qui voulait l’entendre et celui qui s’en moquait, se prenait un coup de boule bien placé. De la volonté mais aussi, un sacré caractère. Tout aurait pu très bien se passer, l’ascenseur social à la mode Padden, certainement marcher sur le fil du rasoir pour s’extirper de cette condition mais la guerre en aura décidé autrement.
Tankred a 11 ans quand les premières infos venues du Secteur Tertius tombent. Les Tarchans sont revenus et s’en prennent de nouveau au système. Pas franchement doué pour l’école, les sœurs Aéonistes lui avaient tout de même appris ce qu’il s’était passé des décennies plus tôt et le destin de toute une civilisation. Un destin qui n’a tenu qu’à un fil, une union, disparue aujourd’hui dans des querelles ineptes. La tête vers les étoiles, le gamin apprit alors ce qu’est la peur, la vraie. Car pour les citoyens du système, le mot « Tarchan » rime avec « mort », ni plus, ni moins. On vit dans l’angoisse, à se demander quand le Grand Ennemi allait frapper. Il était encore loin d’Ysera à cette époque mais personne ne se serait douté que les Mongers se trouvaient déjà là… si près.
Le gosse en fit très vite la connaissance. Les espions du Grand Ennemi pouvait se trouver partout autour de soi dans un climat de suspicion tenace qui annihile l’enfance et l’innocence candide d’un gamin à la tête dure. Une seule figure maternelle qui le suivait depuis longtemps, lui a enseigné la lecture, l’écriture, le fait de compter pour quelqu’un et il aura fallut que ce soit l’une de ces bestioles. Après la peur, l’adolescent apprit la tristesse mais aussi la colère, sourde, terrible, le sentiment d’injustice. Sœur Arya, un monstre qui aura profiter d’une nuit de panique, alors que les troupes Tarchannes arrivaient, pour buter tout un dortoir… sauf lui. L’instinct de survie certainement. Il avait 15 ans.
Les sous-sols crasseux, courir pour sa vie, pour fuir le massacre, jusqu’à croiser la route de l’Arthius. Des hommes et des femmes venus de tous horizons, de toutes races, unit. Alors il repensa à l’histoire de sœur Arya…enfin quand elle n’avait pas une bestiole dans le bide. Le meneur ne posa pas de question sur son âge lorsque Padden demanda à les rejoindre, tous les bras étaient à prendre pour se battre et survivre. Certainement trop jeune pour voir ça, les cadavres, l’odeur de souffre, les lumières des fusils plasma, le bruit des canons énergétiques… Les Tarchans. Ces souvenirs le hantent encore et le hanteront encore jusqu’à sa mort. Pour la première fois de sa vie, il quittera sa planète, ses racines pour aller là où ses compagnons d’armes, une nouvelle famille, iront. Encore maintenant, Tankred se demande pourquoi il est encore en vie quand d’autres plus forts, plus méritants sont morts. Alors, il connaîtra la culpabilité.
Il a 20 ans quand la guerre se termine, quand les derniers vaisseaux Tarchans se retirent du système. De la joie mais plus franchement le cœur à l’exprimer pour ceux qui ont dû fuir Orachia en ne laissant derrière eux, qu’une planète brisée au sens propre. Morte. Obligé de grandir trop vite, entouré par le chaos et voilà que la paix s’installe, que les peuples s’unissent sous une même bannière, la Fédération prend forme. Mais lui ? qu’est-ce qu’il devait faire ? Padden ne voulait plus faire la guerre, ça c’était une certitude alors il quitta l’Arthius pour entrer à l’Académie de Police. A cette époque, il croyait réellement à cette utopie qu’était la Fédération : Unité, égalité, paix. Maintenant, à le dire, il vous rirait au nez.
Mention honorable à la sortie de l’école, quelques années en tant que flic de rue, en tenue, à arpenter les Secteurs miteux pour continuer de gravir les échelons et se rendre compte que finalement, Ysera n’avait pas franchement changé de ce qu’il a pu connaître. Le monde s’est reconstruit, à quel prix ? Seize ans de service et le voilà lieutenant avec un dossier partagé entre les blâmes pour outrage à la hiérarchie et des états de services, des statistiques irréprochables. Bon pour l’anti-gang. Il adore coffrer du véreux et dans un monde comme celui là, celui qu’il autrefois protégé au péril de sa vie, ça l’éclate.
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