Il y a à peine quelques jours que le Spatioport a été détruit pas ces tarés de FREEDOM et la nouvelle a parcouru des milliards de kilomètres de part et d'autre de la Fédération. Ysera, le phare du système a été touchée en plein cœur et ça, même les plus radicaux des indépendantistes l'auraient jamais rêvé ou même caressé l'espoir d'y arriver. Pourtant, FREEDOM l'a fait. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs véritables revendication ? Pour le moment, tout ça échappe à la police fédérale et autant dire que les huiles sont sur les dents. Les flics peuvent dire au revoir aux congés et récupération car tout le monde est sur le pont pour à la fois comprendre où ça a bien pu merder et coincer les responsables.

Déjà, on dénombrait de nombreuses arrestations, parfois sans aucun lien avec ce qui a pu se passer au spatioport mais c'est l'occasion de faire un peu de ménage. Tankred est pas dupe, il a bien compris comment fonctionnait cette mascarade politique qu'était devenue la Fédération. Faire disparaître les voix discordantes au nom de la sécurité nationale. Pourquoi encore porter la plaque ? Tout simplement pour les gens d'en bas, bien loin de ces considérations et justement, pour les empêcher à leur tour de disparaître, broyés par cette machine infernale. Peut-être qu'un jour, ce sera lui qui sera broyé à son tour. Au moins, il restera droit dans ses bottes jusqu'au bout.

L'entrée dans le district du Spatioport se fait que si l'on montre patte blanche. ID en règle et malheur à celui qui voudrait frauder le contrôle. Les droïdes sont cons et marchent sur une réflexion binaire. Soit tu es clean, soit tu es foireux, le juste milieu avec l'excuse la plus sincère du monde est inutile. Malheureusement, les fonctionnaires humains commencent petit à petit à se faire remplacer par ce genre de création mécanique idiote. Un pas de plus vers l'autoritarisme crasse qui pourrait presque le faire gerber. Mais le temps où on le virera lui pour le remplacer par un robot n'est pas encore arrivé. Ca, il y veillait.

Le lieutenant contemplait le désastre au loin, les bras croisés sur le torse, la mine sombre et le regard vissé sur les ruines du Spatioport qui autrefois envoyait ses navettes à la conquête de l'espace. Quand il était gamin, il allait sur les toits du secteur 8 et pouvait voir le flux continu de vaisseaux qui partaient et revenaient avec ses touristes, ses voyageurs, ses marchandises venues des contrées lointaines du système. C'est là aussi qu'il avait vu le vaisseau amiral Tarchan arriver et déverser sa vermine pour la grande moisson... Une porte vers l'espace mais aussi vers un passé trouble qu'il chasse aussitôt qu'il entend une voix féminine au loin qui s'en prenait aux droïdes de contrôle. Tiens, pour changer.

Quand Tankred se tourne vers l'origine du boucan, il pouvait apercevoir un minois déjà connu du lieutenant. Une rencontre fortuite qui s'est terminé à parler de tout et de rien dans un bar du secteur Culturel. D'ailleurs, il y avait encore cette invitation au resto Cynien de lancée. Le flic fronce le nez et quitte son poste d'observation pour se diriger vers les deux robots aux membres arachnoïdes qui s'apprêtaient à balancer la jeune femme dans le premier fourgon en partance pour le dépôt.

- Protocole 6.32.

Grogne le brun et l'un des droïdes se tournent vers lui.

> Identité ?
- Lieutenant Tankred Padden. Matricule 20.412
> Routine terminée. Bon voyage mademoiselle De Saëns.

Dit alors les deux sentinelles de concert en lâchant enfin puis la laissant passer. Le lieutenant sourit alors.

- C'est pour une invitation au resto ? Ou pour une visite de courtoisie ? Excusez Laurel et Hardy, ils sont un peu cons.

Oui, Tankred est un grand fan de la culture extra-fédérale et souvent, personne ne comprend ses références.

Un gros BOUM dans le spatioport. La panique. Les morts. Une sale affaire et surtout un nouvel ennemi... Ou adversaire ? Ou simplement de nouveaux tarés un peu trop extrémistes dans leurs agissements. Tout le monde l'ignore. Raison pour laquelle l'Arthius, comme presque tous les secteurs avoisinants, est évidemment sur le coup. Et devinez quel est le duo de choc chargé de l'enquête sur place ? Exact ! Marie, encore jeune première dans ce milieu, et l'inévitable indécrottable inébranlable Mike. Au fond la jeune femme l'aime bien, il n'est pas méchant juste... Très différent d'elle. C'est sans doute une question d'habitude. Un coup à prendre. Peut-être aussi que le problème est un poil plus grand. Toujours celui de trouver enfin sa place quelque part. Car depuis l'attaque des Tarchans, elle sait que la sienne n'est pas auprès des grands bourgeois de ce monde.

Mike et la Première Classe ont donc déjà fait un petit tour dans la zone surveillée. Ils ont dû faire des pieds et des mains pour pouvoir y pénétrer. Après ça, la jeune femme pensait pouvoir y retourner puisque plus ou moins identifier mais... Visiblement ça n'allait pas être aussi simple. En même temps ça aurait été étonnant de revoir les mêmes droïdes garder la zone. Mais Marie est une bleue et elle n'est jamais à l'abri d'une erreur. Et parfois les erreurs rapportent vraiment de grosses emmerdes.

C'est exactement ce qui arrive à l'instant. La petite brune à la peau halée en pleine altercation avec deux tas de ferraille ambulants aimables comme tous les robots. Ils refusent catégoriquement de la laisser passer et ce non déplait beaucoup à la demoiselle qui prend à cœur de réussir dans l'équipe.

- LAISSEZ-MOI PASSER BANDE DE TRIPLES BUSES ROUILLÉES ! DÉCHARGES AMBULANTES ! PANTINS DÉBILES ! JE VOUS PRÉVIENS C'EST HORS SERVICE QUE VOUS FINIREZ, J'EN FERAI LA DEMANDE !

Il est rare de la voir vraiment en colère, le manque de sommeil n'aidant pas, et dans tous les cas ça reste assez comique. Malheureusement pour elle. Mais les droïdes n'ayant pas le sens de l'humour, en plus de toutes leurs autres qualités, l'ordre allait être donné de l'embarquer... Jusqu'à ce qu'un sauveur n'arrive au bon moment. Elle reconnait cette voix grave. Puis l'homme derrière les robots et elle rosit automatiquement. Si elle pensait le revoir... La première personne qui a réussi à lui faire avaler de l'alcool. Rien de bien glorieux. Mais assez amusant et inédit pour être un jour marquant. Enfin bref, Padden lui sauve vraiment la mise. Un peu plus, une seconde plus tard, et elle était dans la mouise jusqu'au cou !

Pendant le petit "entretien", Marie reste silencieuse, piteuse de ne pas avoir pu s'en sortir seule sur ce coup-là mais elle a dû tomber sur les deux plus stupides du lot... Elle allait ouvrir la bouche quand tombe la question du flic une fois les deux compères partis. La réaction est immédiate, son visage entier devient rouge pivoine et la réplique qui lui brûle la langue se perd quelque part dans le néant.

- Je... Euh...

Elle cligne bêtement des yeux et finit enfin par se reprendre... Toujours empourprée. Elle hausse un sourcil, les poings sur les hanches.

- Dites donc, vous êtes pas un peu jeune pour faire ce genre de référence monsieur Padden ? En plus... J'aurais plutôt dit les frères Tapdur !

Serait-ce l'ombre d'un sourire ici ? On dirait bien ! Marie, trop protégée jadis, avait le temps de lire absolument tout ce qu'elle pouvait pour accroître sa culture dans beaucoup de domaines.

- Et puis... Cette invitation... Je l'attends toujours.

Alors lui qui pensait n'être que le seul citoyen fédéral à connaître Laurel et Hardy, voilà que la donzelle lui sort une autre référence. Tankred hausse les sourcils et cligne des yeux, visiblement surpris par la répartie de la Première Classe. Voilà qu'un franc sourire, voir même un rire lui échappe tandis que son interlocutrice tentait de reprendre contenance.

- Merde alors ! J'ai hésité sur le coup. Mais comment vous connaissez ça vous ?

Oui, Marie vient de clairement attiser sa curiosité et l'altercation avec les robots est déjà passée. C'est plutôt étrange de parler de ce genre de chose sur les lieux d'un attentat, au milieu d'une partie d'un spatioport éventré. Les morts n'allaient pas venir les hanter pour si peu de toute manière. Les joues rouges pivoine de la brune ne lui échappent pas non plus. C'est un flic très observateur qui sait très bien ce que ça veut dire. A leur première rencontre, la jeune femme s'était fendue de la même réaction et le lieutenant n'avait pu s'empêcher de la taquiner. Tout comme maintenant.

- Vous revenez de Loxis pour avoir un teinte si...flamboyant ? Ah ah...

Pas de moquerie, juste de l'amusement, de la taquinerie bon enfant. C'est pas avec Chô qu'il pourrait faire son petit numéro de charme. Son coéquipier habituel est plutôt du genre pragmatique et sans humour. C'est dire ! Padden se fait cependant clouer le bec avec l'histoire de l'invitation. Elle n'avait pas tord, à la base c'est lui qui aurait dû la recontacter mais l'actualité malheureuse des derniers jours ont eu raison du projet.

- Désolé. Ce n'est pas que j'ai oublié mais vous voyez – il désigne le bâtiment autour d'eux – J'ai été pas mal occupé. Un peu comme tous les flics de la planète d'ailleurs. Sans compter sur un aller-retour sur Rhaxa entre temps dont je me serais bien passé.

D'un simple signe de tête, Tankred l'invite à la suivre pour ne pas rester en plein dans l'entrée. Encore un peu et les frères Tapdur viendrait se pointer encore une fois pour reposer la même question. Les robots sont cons par définition. Ce n'est pas une nouveauté. On les a programmé ainsi pour avoir toujours une main sur leur action. Heureusement d'ailleurs. La seule entité cybernétique qui échapperait à ce contrôle serait GHOST. Enfin c'est à espérer que cela n'arrive jamais.

- Dès que l'on coince les salopards qui ont fait ça, je vous promet un festin cynien. Foi de Padden !

Il levait la main droite en l'air, l'autre sur le cœur, à jurer le plus sincèrement du monde avant de reprendre un peu de sérieux. Quand ils arrivent près de la balustrade que le Lieutenant occupait plus tôt, ils pouvaient voir les droïdes terrassiers tenter d'enlever les décombres.

- Qu'est-ce qui vous amène ici ? Je suppose que vous savez que les lignes sont coupées. C'est dangereux pour des gens comme vous de se promener ici.

Souffle t'il à voix basse. Il a beau être flic et elle, faire parti du Syndicat mais Tankred sait ce que l'Arthius a fait pour ce monde et les autres pendant la guerre. Il y était.

- Vous n'êtes pas seule au moins ?

La demoiselle espérait bien le moucher sur ce coup-là il fallait l'admettre. Généralement elle ne fait jamais de références qu'elle est la seule à connaître. Il faut dire qu'elle ne communique pas beaucoup non plus, encore moins avec les inconnus. Et pourtant Tankred était encore un inconnu il y a peu de temps et elle a beaucoup trop parlé en sa présence. Comme quoi tout arrive !

- Aha, cela vous intrigue monsieur Padden ? J'aime lire de vraies pages depuis l'enfance, j'ai de l'affection pour la culture ancienne. Et j'avais à ma disposition une bibliothèque immense dans le temps. Ceci explique cela.

Marie fait la maligne mais en vérité c'est plutôt plaisant de rencontrer quelqu'un qui s'intéresse à des connaissances aussi antiques. C'est déjà assez exceptionnel de pouvoir se procurer certains livres ou autres éléments... Le brun l'étonne agréablement. Elle l'a déjà trouvé assez surprenant la fois dernière. Il a l'air peu engageant au premier abord, pas immense mais très massif et elle, petite chose, n'aurait pas été très rassurée. Mais il est gentil et aimable finalement... Ce qui ne l'empêche pas de lui cogner l'épaule avec peu de force à ses mots. Elle ronchonne presque, les bras croisés comme une fillette boudeuse.

- Hin hin hin... Vous êtes un comique vous ! En plus... Je ne vois pas de quoi vous voulez parler...

Et les rougeurs empirent. Bien évidemment ! C'est que son pseudo numéro de charme peu subtil pourrait presque marcher. Mais Marie est une huître, sinon pire. Et cette histoire d'invitation c'était justement pour le prendre de court... Pas pour qu'il lui emboîte le pas. Au lieu de rougir, la brunette prend un faux air indigné.

- Mais moi aussi j'ai un travail très important môssieur Padden ! Mais... ça reste une très mauvaise excuse ! *Elle dissimule encore un petit sourire mi espiègle mi timide et re mi espiègle par derrière* Rhaxa, vraiment ? Si je ne m'abuse c'est à des siècles d'ici ! Ils ne vous ménagent pas.

La jeune femme est assez facilement impressionnable et surtout elle n'a plus jamais bougé de cette planète après la migration de la famille alors imaginer aller "si loin"... A Marie de lui emboîter le pas maintenant, ils s'éloignent de la foule par la même et ça arrange plutôt bien la demoiselle. Elle émet un rire de petite souris aux paroles du flic et regarde ses pieds.

- Comptez sur moi pour ne pas oublier cette promesse ! [En espérant que cette affaire ne s'éternise pas... C'est pourtant parti pour...]

Pensive, Marie s'installe sur la balustrade, les jambes dans le vide et la tête tournée pour lancer un regard vers lui par-dessus son épaule. Elle répond aussi bas pour que seul Tankred l'entende.

- Pour la même raison que vous je suppose... Nous cherchons des réponses à beaucoup trop de questions. Et, pour vous répondre, si... Cette fois je suis seule. Mais ne vous en faites pas pour moi, en tant que jeune première je n'ai pas un visage très connu et j'ai un don pour l'invisibilité. Stupides duos en ferraille mis à part !

Tankred devait bien l’admettre mais la jeune femme lui avait coupé le sifflet. Lui qui se pensait seul dans la galaxie à connaitre ce genre de référence. Il faut croire que la civilisation Terrienne a su traverser les années-lumières qui la sépare de Ysera, bien plus qu’il ne le pensait. Cela amène alors chez le lieutenant, un large sourire qui souligne un peu plus des pommettes qui se font saillantes. Une lueur ravie qui lui donnerait presque des airs d’idiot fini. On en est pas vraiment loin quand on connait l’oiseau. Décidément, leur nouvelle rencontre était tout aussi surprenante que la première qui tenait plus de l’absurde bien que ça se soit terminé dans un bar. Comme d’habitude avec Padden… ou presque. Alors quoi ? C’est pas un mufle non plus ! Toujours est-il que la réparti de l’Hysmer le fait rire.

- Ah non ? Z’êtes sûre ? Oh je compte bien faire en sorte que vous ne l’oubliez pas. J’ai toujours votre Holo ID.

Il en rajoute une couche en voyant que l’état de Marie n’allait pas en s’arrangeant. Le lieutenant se retrouve tout de même… un peu flatté de cette réaction en sa présence. D’ordinaire, la gente féminine se montre moins timide. En même temps, il les paye pas pour l’être. Chacun à ses travers et Tankred profite du célibat comme il l’entend. Depuis toujours un électron libre qui refuse qu’on le mette dans une case ou force à suivre un cadre. Pourquoi se retrouve t’il dans la police alors ? Vaste question que vous êtes totalement en droit de vous poser. Pour lui, ça s’imposait.

- Ah ! M’en parlez pas. C’est ça de mettre sa hiérarchie à dos. Ils n’aiment pas qu’on leur dise qu’ils sont plus des politiciens incompétents que des flics. Enfin, je dis ça, je dis rien. Bref, j’ai dû me coltiner deux semaines de stase pour juste aller faire la nounou pour un reprit de justice Yseran. Des années de service et voilà le remerciement.

Autour d’eux, le calme avait reprit ses droits. On déambulait dans les travées du spatioport non pas pour voyager mais plutôt pour tenter de comprendre. De l’autre côté des ruines, on pouvait entendre les engins et les droïdes de terrassement qui continuaient inlassablement de tenter de chercher des survivants. Mais au vu du timing, il fallait être pragmatique et réaliste. Ce ne sera que des cadavres que l’on sortira des blocs de ciment en morceau. Rien de plus. Une pensée qui pourrait de nouveau attiser la colère du lieutenant qui venait s’accouder alors à la rambarde pour regarder le triste spectacle. Au loin, des navettes qui restent à quai, sans autorisation de quitter la surface pour le moment.

Tankred s’était montré assez sarcastique quant à sa situation professionnel mais quand il voyait tout ce chaos autour d’eux, cette mort qui planait dans ces lieux à tenter de glaner quelques âmes par ci, par là, finalement il est plutôt bien lotit.

- Connaissant Carden, vous n’allez pas rester longtemps toute seule. Je suis même sur que ce vieux grincheux est dans les parages.

Après tout, les deux hommes se sont côtoyé assez longtemps pour se connaître. Il offre un sourire un peu réconfortant pour la jeune femme. Cela ne devait pas être bien simple pour un recrue que se retrouver larguée comme ça, en territoire hostile ou presque.

- En cherchant des réponses… Vous en avez trouvé ? Si oui, j’aimerais bien que vous éclairiez ma lanterne parce que là, je patauge. Comme les autres flics vous me direz mais c’est presque une question de fierté. Ces salopards de FREEDOM sont pire que des fantômes. C’en est frustrant.